« ChatGPT, qu’est-ce qu’on fait à dîner ce soir ? »


Quiconque a tenté de régler des désaccords par courrier sait que la difficulté n’est pas tant le temps de rédaction qu’on y consacre que celui passé à ruminer avant de l’écrire. C’est ce que s’est dit Nolan, jeune ingénieur urbaniste de Lorient (Morbihan), en demandant à ChatGPT de répondre à sa place à l’agent immobilier avec qui il était en conflit à propos de travaux à réaliser. « Il m’avait écrit sur un ton très désagréable. J’ai demandé à ChatGPT un courrier très respectueux, avec beaucoup de bienveillance, dans un style littéraire et soutenu. » En gros, l’inverse de ce qu’il était parti pour écrire. Il a trouvé le résultat efficace : l’agent en question ne s’est plus manifesté et, surtout, cela a permis à Nolan de « ne pas consacrer trop de temps à une tâche désagréable ». D’habitude, il demande plutôt à l’intelligence artificielle (IA) de lui rédiger des cahiers des charges pour la construction de parkings ou des relevés de décision en fin de réunions de travail.

ChatGPT, l’outil mis au point par la société OpenAI, qui propose du texte à la demande en utilisant une intelligence artificielle, a beaucoup fait parler depuis sa présentation, en novembre 2022. Comme les autres intelligences artificielles, Bard ou Aria, il soulève deux grandes questions : l’IA va-t-elle nous piquer nos boulots ? Va-t-elle permettre aux élèves de tricher à l’école ? Parmi les premiers livres publiés expliquant comment utiliser l’IA, la plupart visent à faire gagner de l’argent aux lecteurs ou à leur permettre d’améliorer leur productivité personnelle. Comme si le travail et les études étaient les seuls réservoirs de tâches à externaliser. Or, lorsqu’on demande aux utilisateurs de consulter l’historique de leurs dernières requêtes, on mesure la quantité de défis du quotidien sur lesquels un coup de main est bienvenu.

Lire l’enquête : Article réservé à nos abonnés L’IA et la culture : les machines sont-elles nos amies ?

Avec son fils adolescent, Romain Meunier, auteur de bandes dessinées installé à Reims, a fait appel à l’IA lorsqu’il s’est rendu compte que les mûres qu’il avait achetées étaient trop acides. « On avait aussi des poivrons dont on ne savait pas quoi faire, alors que des gens venaient dîner. » ChatGPT leur a suggéré des plats à cuisiner, dont une crème de mûre qui s’avéra excellente (les muffins et les toasts étaient très bien aussi). Le père et le fils ont certainement mieux formulé leur requête que Vincent Flibustier, formateur en éducation aux médias et aux « fake news », qui avait demandé à l’intelligence artificielle « des idées créatives pour utiliser toutes les courgettes de la récolte de [s]on frère ». Parmi les suggestions de ChatGPT, un concours de châteaux en courgettes, autour duquel l’algorithme proposait d’organiser un festival médiéval (l’idée de congeler les courgettes coupées en morceaux pour les conserver ne devait pas être jugée assez « créative »).

Il vous reste 73.77% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source
Catégorie article Politique

Ajouter un commentaire

Commentaires

Aucun commentaire n'a été posté pour l'instant.